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Regard d’Algérie

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Djeloul senior, c'est "notre" cuisinier. Dès le premier regard échangé j'ai ressenti quelque chose. Je crois que lui aussi. Comme le touriste et photographe que je suis, je ne résiste pas aux premières photos.by Varial varialstudio.comwww.instagram.com/varialontheroad

Djeloul prend la pose, parfaitement, souriant derrière son cheich, mais détaché. A travers l’objectif, je lis ses yeux qui me disent, « vas y prend la ta photo ». La photo est bonne, mais ce n’est pas Djeloul que j’ai pris en photo.

La photo de Djeloul, je ne l’aurai que bien plus tard durant le voyage.
Quand toutes les barrières seront tombées, celles de nos statuts respectifs, moi touriste et lui employé, moi étranger, lui dans son pays, le désert.

Quand il me regardera moi, Cédric, et que je le regarderai lui, Djeloul.
Quand nous serons complices…

Dès le premier soir, les derboukas sont sorties. Je sais que la musique sera du voyage. Tous ceux qui nous accompagnent, guides, chauffeurs et cuisiniers sont musiciens. Après tout qui ne l’est pas. Je n’ose pas participer, pas tout de suite. Ce soir j’écoute, je découvre, j’apprends. Ici la musique, plus qu’ailleurs, c’est une connection, un language. C’est aussi une des seules choses à faire. Ça fait partie des besoins naturels. Dans le désert, on parle peu. C’est comme si parler, était en soit superficiel. Alors on joue de la musique.

Autour du thé qui est servi, trois fois de suite selon la coutume, les regards continuent de s’échanger.

D’un bord touristes et de l’autre guides cherchant à se connaître, s’obervent, sourient. Hamdi, le chef, assure les traductions. Respectivement, on connait nos visages, pour les avoir vus mille fois à la télé, dans les magazines… mais quelque chose va se passer, pas tout de suite.

Je sais que je cherche quelque chose de particulier, au fond de moi, dans ce voyage, dans ces personnalités. Faire tomber mes clichés sur le Maghreb, sur l’Algérie, sur les « arabes », et peut-être faire tomber les leurs. Ce n’est pas mon premier voyage en Afrique, mais le premier en pays berbère. Berbère pour les uns, barbares pour les autres, ceux qui n’y sont jamais allés.

Nous sommes loin d’Alger, la blanche. Probablement beaucoup d’algériens ne connaissent pas le désert et son peuple, leur peuple.À Alger,  en quelques heures, j’ai retrouvé tous les repères de l’Occident, ses marques, ses produits, ses attitudes. Je ne suis pas venu pour ça. Je suis venu pour le désert. Et dans le désert, j’y ai trouvé bien plus que du sable.

….

Ils nous aura fallu plus de 12h de route au départ de Ghardaia pour atteindre notre premier bivouac à Taghit. Il fait déjà nuit et froid. Ce que nous découvrons en sortant du 4×4, nous aurons hâte de le retrouver chaque soir, chaque nuit.

Est-ce que Dieu existe ?

Moi j’existe, et je suis là, à cet endroit précis de notre planète qui flotte dans cet amas d’étoiles et de constellations. Je n’ai jamais vu ce ciel que j’ai pourtant au dessus de moi depuis toujours. Et les étoiles je les vois même à l’horizon. Je comprends alors que l’Homme sous pareille immensité, à l’aube des temps, se soit mis à croire en quelque chose. Les étoiles nous observent. Certains parlent de Dieu, d’autres de « force », d’énergie. Si j’avais la réponse, je n’aurais probablement plus besoin de vivre. Je pourrais vous dire que l’on se sent tout petit, que l’on n’est rien dans tout ça et que l’on ne vit pas de la bonne manière (ce qui est vrai). Ce que je sais, c’est ce que j’ai ressenti. L’univers s’est refermé sur moi. Je suis devenu l’univers. L’univers c’est moi. Je suis poussière d’étoiles.

Pendant que les guides s’affairent à installer le campement, chacun d’entre nous entame sa marche dans les dunes. Si l’altitude a son vertige, le désert vous aspire. Si l’ascencion d’une montagne a son sommet, la marche dans le désert semble infinie. 86 000 km2 de dunes, de sable, de ciel.

Chacun y cherche son moment de solitude, de silence absolu et de comtemplation introspective.

Eparpillés sur les sommets, on s’entendrait presque respirer les uns les autres.

Une fois réunis autour du feu de branches de palmiers, les mots qui nous viennent sont d’une grande banalité.  » C’est fou »… « C’est malade ».. « Complètement ouf même »…. Que dire. Alors on ressort les derboukas. Cette fois-ci j’ose et Djeloul me rejoint.

Ce fut le début d’une autre relation, de nouveaux regards, d’une première vraie communication. Nous nous sommes écoutés, suivis….perdus, pour mieux se retrouver. Premier moment du voyage où je ne suis plus ce touriste qui paye pour voir ce que l’autre vit tous les jours. Premier moment où je n’ai pas honte. Premier moment où son regard et son sourire sont ceux d’un ami.

….

Sans se parler – je ne parle rien d’arabe, et lui peu le français – nous avons réalisé Djeloul et moi que nous avions quelque chose en commun. La musique bien sûr. Mais surtout une âme d’enfant. Djeloul est de loin le plus agé de tous, lui même ne sait pas vraiment son âge, mais c’est un encore enfant. Il le sait, il me l’a dit. Moi aussi, je lui ai dit, il le savait.

Un jour je l’ai pris par la main, nous avons marché. Un peu comme deux copains.

Je l’ai tourné vers le soleil, je lui ai dit « ne bouge pas ».

J’ai pris mon appareil photo et j’ai fait un seul clic.

C’est mon frère Djeloul que j’ai pris en photo ce jour là.

Il n’ a pas posé.

Je n’ai pas voulu voir la photo tout de suite.

Ce n’était pas le moment.

Quand je l’ai regardée plus tard…

Elle était floue.

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